La route vers Cuotémoc

-Survivre. Si ce ne sont pas les créatures qui nous rattrapent, ce seront les Khadjuïs.

Elle se pencha vers la dépouille, et entama un semblant de rite mortuaire, au mieux de ses connaissances en la matière et de ce qu'elle connaissais du pays d'origine du défunt. Elle traçais sur le visage et le corps, déjà blême, des signes illisibles, avec une encre brunâtre, parfumée d'épices.

Je ne comprenais pas vraiment ce que la vieille femme faisait à mon compagnon tombé au combat. Au lieu de s'occuper de ceux qui sont morts, peut-être aurait-elle pu examiner nos deux blessés graves inconscients depuis déjà une heure. Elle semblait pourtant avoir quelques connaissances des plantes et des potions...

Le nobliau n'avait pas vraiment bougé depuis un certain temps. Soudainement, il se déplaça vers la vieille et s'installa à côté du défunt. Il semblait comprendre ce que la dame faisait et il prit une attitude pieuse.

Nous n'avions pas le temps pour ça! Je fulminais intérieurement. Il fallait trouver une solution pour sauver les deux blessés, il fallait se préparer au retour des murlocks ou des Khadjuïs, il fallait mieux se barricader... Je regardai alternativement le vieil hôte, les deux blessés, le mort, la dame, le leader du groupe et les trois autres survivants. Je cherchais une solution. Puis, je regardai l'habitant des marais.

-N'avez-vous pas des plantes, des bandages ou des potions pour prodiguer des soins?

-B'en quand j'm'blesse, y a b'en que'ques plantes curatives dans l'coin à environ une lieue vers l'est. Ch'pourrais y aller avec l'un de vous pour vous montrer.

C'était dangereux. Avec ce qui rôdait à l'extérieur, il ne fallait pas trop prendre de risques. Soudain, je me souvins de la potion que la vieille dame nous avait donné dans la caverne. Je me tournai vers elle et sans attendre qu'elle termine son étrange rituel, je lui demandai:

-Quels sont les effets de la potion que vous nous avez donné tout à l'heure? Est-ce vraiment une potion pour nous donner la mort au cas où les Khadjuïs nous rattraperaient?

La vieille femme se leva doucement, laissant l'autre se recueillir seul.

Elle s'adossa au mur un peu plus loin. Elle brisa une étrange racine qui s'était faufilée entre les interstices de deux planches, et ce mis à la mâcher nerveusement.

Elle regarda l'artisan avec un étrange regard qui, comme les observateurs autour d'elle commençait à le comprendre, en disait beaucoup plus long sur ce qu'elle allait dire. On pouvait y trouver cette fois, beaucoup de tristesse, mais aussi beaucoup de détermination.

-Je suis contente que vous y ayez pensé par vous-même. Elle resta un court instant silencieuse, et juste comme l'artisan prenait son souffle pour répliquer quelque chose, elle continua: J'aurais préférée ne pas être un bourreau en ces temps déjà sombres. Mais il ne nous reste pas beaucoup de temps devant nous, et plus nous attendons, plus notre avance s'amenuise. D'un simple coup d'oeil, elle désigna les deux hommes étendu par terre. Ils devront rester derrière, si vous voulez avoir le plus de chance possible de rentrer chez vous.

Je ne pouvais pas me résigner à laisser mes deux camarades blessés. Il y avait sûrement une autre solution que de les achever avec cette satanée potion mortelle. J'étais pour émettre mes objections lorsque notre hôte prit la parole.

-La m'dame a raison garçon. Vous d'vez partir avant qu'les créeutures r'viennent. J'vais essayer d'm'occuper d'eux du mieux que ch'peux.

Mon instinct de survie et mon désir de revoir ma femme et mon fils me poussèrent à réfléchir sérieusement à la proposition. Je me tournai vers le noble. Il avait écouté le vieil homme. Il hocha la tête et émit un son d'approbation. Il se leva et il s'exprima pour la première fois depuis un sacré bout de temps.

-Je suis peiné de laisser nos compagnons ainsi, mais je crois que la plus sage décision serait en effet de partir.

Les trois survivants acquiescèrent et tous se tournèrent vers moi pour obtenir ma réponse finale. Je regardai la vieille dame d'un regard mauvais.

-Tout ça c'est de votre faute et de tous ceux de votre foutu royaume!

Je pris mon épée et je me tournai vers la porte. Je donnai un violent coup de pied sur le restant de table.

-Puisqu'il le faut, nous irons donc tous mourir dehors! Que Démetriel nous guide par sa lumière cette fois-ci!

Je poussai la porte et sortis...